Gros plan sur
les yeux bleus de Peter O’Toole, il crève l’écran. Travelling sur la
droite : plan large et fixe sur le paysage. Des montagnes de grès rouge,
des dunes de sable ocre et pourpre.
La séquence
nous transporte en Jordanie dans le désert du Wadi Rum durant le tournage du
célèbre film : Lawrence d’Arabie.
Le réalisateur
David Lean a voulu une nature parfaite pour le ravissement des yeux du
spectateur. Une composition : pour les besoins de cette scène, il a fait
arracher tous les arbustes de l’oued. Il fallait que le désert du Wadi Rum
fasse « plus » désert !!!
C’était en
1962. Depuis la conscience écologique a bien évolué.
Dans le viseur
de mon caméscope, j’ai le même plan large que dans le film aux 7 oscars :
les montagnes de grès et les dunes. Les arbustes ont repoussé depuis. Cette
année, il y a même un tapis de fleurs violettes, les confins du désert ayant
bénéficié d’un hiver pluvieux. Travelling sur la gauche et plan zoomé sur…
Une bouteille
plastique. Elle crève l’écran.
Nous sommes
en 2013. La conscience écologique a…
Chaque année,
sur les 4 millions de touristes qui visitent la Jordanie, on peut estimer la
fréquentation du petit désert du Wadi Rum à plus de 2 millions de
visiteurs.
La majorité de
ces touristes sortent des hôtels de luxe d’Aqaba ou d’Amman pour rejoindre le
désert en bus climatisés. Aux portes du désert, leur excursion se poursuit sur
les différents lieux de tournage du film, installés à l’arrière d’antiques 4x4
pick-up, assis sur des banquettes bricolées. Les différences de températures
sont importantes. Ils épongent leur soif avec des sodas, de l’eau… Une fois
vides, leurs bouteilles jonchent les ridelles des 4x4 et à la moindre secousse,
au moindre coup de vent, elles s’échappent de la benne. Le sable du désert
accueille ces cadavres.
C’est comme
ça. Ils ne l’ont pas fait exprès…
Le
guide-chauffeur bédouin ne s’arrête pas, il a un horaire à tenir, un autre
groupe à prendre.
Parmi ces 2
millions de visiteurs, une petite poignée de personne préfère découvrir les
secrets de ce désert et de la vie des Bédouins à pied, sur plusieurs jours et
dormir à la belle étoile.
À pied, on a
le temps, on prend le temps. On bouge, on agit. Alors, plutôt que râler après
des touristes qui ne se rendent pas compte et qui ne l’ont pas fait
exprès et qui… : On donne l’exemple.
Durant les
vacances de fin d’année, les randonneurs des groupes Allibert ont simplement
pris un grand sac-poubelle. Au cours de certaines étapes, ils ont collecté ces bouteilles plastiques afin
qu’elles soient brûlées au village de Rum. Ainsi, une douzaine de sacs ont été
remplis, sans effort par des trekkeurs sous les yeux interloqués des touristes
et des bédouins en 4x4.
L’image
revient sur le visage de Peter O’Toole. Dans cette scène, Lawrence d’Arabie a
chaud, il transpire, il a soif… Cadrage en plan italien : il se dirige
vers son chameaux baraqué pour décrocher de la selle une outre de peau de
chèvre. Il boit à la régalade.
Cette séquence
du film tournée en 1962 nous rappelle que la gourde reste (en partie) une
solution candide à nos problèmes écologiques d’aujourd’hui.
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