jeudi 26 mars 2015

Nettoyage au Wadi Rum

Jordanie 

Gros plan sur les yeux bleus de Peter O’Toole, il crève l’écran. Travelling sur la droite : plan large et fixe sur le paysage. Des montagnes de grès rouge, des dunes de sable ocre et pourpre.
La séquence nous transporte en Jordanie dans le désert du Wadi Rum durant le tournage du célèbre film : Lawrence d’Arabie.
Le réalisateur David Lean a voulu une nature parfaite pour le ravissement des yeux du spectateur. Une composition : pour les besoins de cette scène, il a fait arracher tous les arbustes de l’oued. Il fallait que le désert du Wadi Rum fasse « plus » désert !!!
C’était en 1962. Depuis la conscience écologique a bien évolué.





Dans le viseur de mon caméscope, j’ai le même plan large que dans le film aux 7 oscars : les montagnes de grès et les dunes. Les arbustes ont repoussé depuis. Cette année, il y a même un tapis de fleurs violettes, les confins du désert ayant bénéficié d’un hiver pluvieux. Travelling sur la gauche et plan zoomé sur…
Une bouteille plastique. Elle crève l’écran.
Nous sommes en  2013. La conscience écologique a…
Chaque année, sur les 4 millions de touristes qui visitent la Jordanie, on peut estimer la fréquentation du petit désert du Wadi Rum à plus de 2 millions de visiteurs.  
La majorité de ces touristes sortent des hôtels de luxe d’Aqaba ou d’Amman pour rejoindre le désert en bus climatisés. Aux portes du désert, leur excursion se poursuit sur les différents lieux de tournage du film, installés à l’arrière d’antiques 4x4 pick-up, assis sur des banquettes bricolées. Les différences de températures sont importantes. Ils épongent leur soif avec des sodas, de l’eau… Une fois vides, leurs bouteilles jonchent les ridelles des 4x4 et à la moindre secousse, au moindre coup de vent, elles s’échappent de la benne. Le sable du désert accueille ces cadavres.
C’est comme ça. Ils ne l’ont pas fait exprès…
Le guide-chauffeur bédouin ne s’arrête pas, il a un horaire à tenir, un autre groupe à prendre.


Parmi ces 2 millions de visiteurs, une petite poignée de personne préfère découvrir les secrets de ce désert et de la vie des Bédouins à pied, sur plusieurs jours et dormir à la belle étoile.
À pied, on a le temps, on prend le temps. On bouge, on agit. Alors, plutôt que râler après des touristes qui ne se rendent pas compte et qui ne l’ont pas fait exprès et qui… : On donne l’exemple.
Durant les vacances de fin d’année, les randonneurs des groupes Allibert ont simplement pris un grand sac-poubelle. Au cours de certaines étapes, ils ont  collecté ces bouteilles plastiques afin qu’elles soient brûlées au village de Rum. Ainsi, une douzaine de sacs ont été remplis, sans effort par des trekkeurs sous les yeux interloqués des touristes et des bédouins en 4x4.

L’image revient sur le visage de Peter O’Toole. Dans cette scène, Lawrence d’Arabie a chaud, il transpire, il a soif… Cadrage en plan italien : il se dirige vers son chameaux baraqué pour décrocher de la selle une outre de peau de chèvre. Il boit à la régalade.
Cette séquence du film tournée en 1962 nous rappelle que la gourde reste (en partie) une solution candide à nos problèmes écologiques d’aujourd’hui.

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