mercredi 16 décembre 2015

DECLIC BORÉAL A SENJA – PHOTO - RAQUETTE



Senja est une île méconnue située au nord de la Norvège, mêlant les paysages sublimes des îles Lofoten et des Alpes de Lynge. 
Pics émergeant de l’Océan, massifs imposants, fjords étroits, côtes déchiquetées... à portée de nos appareils photos et de nos raquettes. 
A la nuit tombée, nous aurons la chance d’observer la féerie des aurores boréales... Un cadre rare pour aiguiser son regard photographique et perfectionner sa technique avec un photographe professionnel. 
Le retour à Tromsø en Express côtier dans des paysages spectaculaires viendra conclure en beauté  ce voyage destiné à tous les amoureux de la photo, amateurs ou plus expérimentés !


Les points forts de ce voyage


·       Les hébergements confortables en bordure de  fjord, idéalement situés pour l’observation des aurores boréales.
·      * La croisière à bord de l’Express côtier incluse  dans le prix du voyage.
·      * Un “sea safari” pour observer les phoques, les oiseaux marins et, avec un peu de chance, les baleines inclus dans le prix du voyage.
·      * Un  minibus conduit par le guide pour plus de flexibilité et des groupes limités à 8 participants.







Du 08/02/16 au 14/02/16
2095 €
(confirmé dès 4 personnes)
Jean-David Laurence 
Guide / Photographe 


Fiche technique détaillée, réservation et inscription  ICI







mardi 15 décembre 2015

Le Cheikh, la chèvre et la cité perdue


L
e Cheikh Ibrahim tremble.
Il tremble car il sait que son stratagème ne vaut pas la peau de la chèvre qu'il tient au bout d'un cordon de cuir.
Il tremble, car devant lui s'élève une façade gigantesque taillée dans la roche comme sortie d'un autre temps. D'un coup d'œil, il estime sa hauteur à 40 mètres et sa largeur à 30 mètres ; Il ne se trompe pas de beaucoup.
Une des six colonnes de la base de l'édifice est cassée, le fût gît dans le sable du désert. L'homme qui se fait appeler Cheikh Ibrahim par les bédouins, reconnaît dans le dessin des bas-reliefs une représentation de Castor et Pollux, des amazones, un aigle, et surtout il discerne sur l'urne qui surmonte le chapiteau, une sculpture de Tyché, ou serait-ce Isis la déesse égyptienne ? Elle tient sous son bras gauche une corne d'abondance et déverse dans un mouvement figé, les richesses d'une civilisation disparue.


Le Cheikh, 
la chèvre 
et la cité perdue







A
rtifices


Des perles de sueurs coulent le long de ses tempes, ses mains tremblent et sont moites.
Sous le turban, derrière une barbe fournie et des habits orientaux se cache un jeune savant européen, en quête de fortune et de gloire. Son véritable nom ? Johann Ludwig Burckhardt.
Il a peur car il sait que sa présence en ces lieux est a peine tolérée par les habitants de la région. Les bédouins gardent jalousement le secret de la cité de pierre en espérant découvrir le trésor des Nabatéens. Fouillant inlassablement les tombeaux et systématiquement toutes les grottes taillées dans le grès rose.

Sous prétexte d'offrir la chèvre en sacrifice sur le tombeau d'Aaron et grâce à son déguisement et sa parfaite connaissance de la langue et du Coran, Johann Ludwig a pu engager un guide, indispensable accompagnateur, pour le conduire dans le dédale de roche qui protège la montagne Sainte.
Il sait qu'au moindre geste suspect ou à la moindre parole équivoque, le bédouin n'aura aucun état d'âme. Il le tuera sans sommation avec le grand couteau qui doit servir à sacrifier la chèvre. Il le tuera et laissera sa dépouille aux chacals du désert.



R
encontre avec un grand homme


Au même moment, à 3.741km du désert, Joseph Banks trône derrière sa table de travail dans l'hôtel particulier de la Royal Society.
Les boiseries cirées des murs rutiles sous les rayons du soleil. Toutes les fenêtres de l'immense bureau sont fermées car dehors il fait chaud. Quand il fait chaud à Londres une odeur de charogne en décomposition remonte de la Tamise. C'est une véritable puanteur et les ruelles pavées de la City sont calmes, c'est l'heure du thé.
Joseph Banks repose sa tasse sur le plateau et allume un cigare.
Il lit pour la troisième fois la missive reçue au courrier du jour. L'enveloppe porte des cachets de cires exotiques : Syrie, Turquie, Grèce… La feuille de papier a fait un long voyage sur terre et par-delà les mers pour arriver dans ses mains.
Il y a trois mois que Johann Ludwig Burckhardt lui a envoyé cette note.
La lettre informe le président de la Royal Society qu'après les deux longues années passées à parcourir sans relâche la terre de la Bible, du Coran et des Evangiles, le jeune homme se sent enfin prêt.
Il maîtrise dorénavant les subtilités de la grammaire. Il se joue des accents de la langue arabe et connaît le coran dans les moindres sourates.
Il est enfin prêt pour sa grande aventure  et peut quitter la Syrie et le Liban vers le sud de l'Arabie, l'Egypte et le grand désert du Sahara.

Joseph Banks est soulagé.
Deux ans pour se préparer c'est long ! Il commençait à désespérer que Johann Ludwig ne se mette en route. Craignant de s'être trompé sur le compte de ce jeune homme qui un jour était entré dans son bureau plein d'espoir et de chimères.
Burckhardt voulait découvrir ce que personne avant lui n'avait pu atteindre : les sources du fleuve Niger en Afrique.
Séduit par la volonté d'acier de Johann Ludwig, Banks n'avait pas donné son accord à la première entrevue. Il avait ainsi testé la persévérance du jeune homme à plusieurs reprises.
Est-ce que le jeune homme serait capable de le solliciter plusieurs fois ?
Est-ce que ce jeune homme n'irait pas courir plusieurs lièvres à la fois ?
Banks aime les hommes qui vont de l'avant. Il aime la persévérance et la pugnacité. Il aime aussi que ça aille vite.

HMS Endeavour
En son temps, Joseph Banks a participé au premier voyage autour du monde à bord de l'HMS Endeavour, un petit trois mâts de 368 tonnes, commandé par le capitaine James Cook.
Il faut dire que Banks avait largement contribué au financement de cette expédition. Grâce à l'héritage de la fortune foncière de son père, il avait, en revendant une partie de ses terres, pu acheter sa place sur l'HMS Endeavour et gagner l'amitié du capitaine.
Passionné de botanique, Joseph Banks a rapporté de ce voyage un plant d'eucalyptus et de mimosa et un étrange spécimen d'un animal. La bête utilise sa longue queue comme d'un balancier pour se déplacer et comme d'un trépied pour se reposer. De plus, le petit de l'animal sort à l'état d'embryon et se réfugie dans une poche située sur le ventre de la mère et y reste le temps de son développement à terme. Même son nom est étrange, les aborigènes australiens produisent un son qui ressemble à un gargarisme  pour le nommer. De leurs lèvres épaisse sort quelque chose comme kangourou.
Du moins c'est ce que Banks a compris et c'est sous ce nom qu'il l'a référencé.

Joseph Banks avait sondé le regard de Ludwig par-dessus son bureau en acajou. Il lui avait dit à la fin de l'entretien : 
-       Jeune homme, ce que vous me contez là me semble intéressant. Je n'ai pas plus de temps à vous consacrer aujourd'hui, j'ai un rendez-vous très important, mais laissez-moi y réfléchir un peu et contactez-moi plus tard.

Le même scénario s'était reproduit plusieurs fois. Banks faisant mine d'être occupé à mille tâches bien plus importantes que de rencontrer et d'écouter le jeune Burckhardt. Repoussant, annulant au dernier moment leurs entrevues et leurs rendez-vous. Mais à chaque fois et inlassablement Johann Ludwig Burckhardt revenait à la charge comme si sa vie en dépendait.


C
hoisir : la vie de famille ou l'aventure


À vrai dire, sa vie en dépendait vraiment.
Johann Ludwig Burckhardt est né à Lausanne en 1784 d'une famille bâloise. En Suisse, il a étudié à Leipzig et Göttingen les langues orientales, il est doué et rêve d'aventures. La musique des grands espaces et les trompettes de la renommée l'appellent chaque jour un peu plus fort.
Il veut monter une expédition pour trouver et cartographier le cours supérieur du fleuve Niger… Personne n'a pu localiser ces sources avant lui. Le jeune homme est ambitieux, il veut se hisser parmi l'élite des grands explorateurs.

Mais… car il y a un mais, une jeune fille aux yeux clairs et aux cheveux blonds noués en chignon a d'autres ambitions pour lui.
Elle l'aime… Il l'aime… Cela ne fait aucun doute.
Elle veut se marier, acheter un grand appartement bourgeois en ville, fonder une famille, avoir des enfants…
Elle le pousse, l'exhorte à accepter la place d'avoué que lui propose son futur beau-père dans la banque qu'il dirige et dont il est propriétaire.
Elle le harcèle… Elle est belle, elle l'aime, il l'aime…
La vie est devant lui… Ailleurs.
Elle a tout organisé :  leur mariage, leur installation dans un "six pièces" du quartier Saint François.
- Mon ami remarquez comme les chevons du parquet sont disposés avec goût.
Il acquiesce d'un hochement de tête.
- Regardez ces plafonds à la française ! Ne sont-ils pas de toute beauté.
Il lève la tête et sourit d'un air entendu.
-       Ho mon doux et bel ange, il y a des volets aux fenêtres à l'intérieur et à l'extérieur, c'est vraiment idéal quand il fait très froid…
Il se penche à la fenêtre et ne voit que le ciel bleu, il sent une brise fraîche lui caresser le visage.
Elle a déjà embauché la femme de ménage et la cuisinière…
         - Nous ferons de cette pièce un boudoir!
Il s'enfuit !
Johann Ludwig Burckhardt abandonne la Confédération Helvétique, sa belle, sa vie… Un jour de l'an 1806.
Il erre un temps en Europe et ne sait par quel chemin se retrouve en Angleterre.
L'Angleterre, la terre des grands explorateurs.
Londres, la capitale séculaire des grands navigateurs, des aventuriers, du choléra, de la peste, du typhus et des incendies.
Londres du début du XIXème siècle compte un million d'habitants, à la fin du même siècle sa population aura enflé de six fois et demie. Le Londres, qu'un bébé du nom Charles Dickens qui vient de naître à Portsmouth décrira dans ses romans populaires.
Johann Ludwig doit parfaire ses connaissances. À Cambridge, il étudie l'archéologie, la géologie, la langue arabe et accessoirement la médecine. On l'excusera du peu ! Ses collégiens et professeurs l'appellent John Lewis, c'est plus pratique.
Il brigue ensuite une place ou même un emplois dans plusieurs expéditions scientifiques ou géographiques… Sans succès.
Jusqu'au jour où armé de son audace et de sa jeunesse, il pousse la porte du bureau de Joseph Banks, président de la Royal Society.

Banks croit en ce jeune homme. Il lui confit enfin un ordre de mission après moult rendez-vous ajournés, excusés ou non. Dès leur première rencontre Banks a su déceler dans le regard du jeune homme toute l'audace, l'opiniâtreté, l'abnégation… Toutes les qualités nécessaires pour mener à bien une expédition en Terra Incognita.
Dans les ruelles pavées de Londres, John Lewis vol plus qu'il ne court. La lettre cachetée du sceau de la Royal Society est dans la poche intérieure de sa redingote, tout contre son cœur.
Enfin il a sa mission qui le conduira, il en est certain au firmament des grands hommes.
C
onstruire une histoire, créer un personnage


Burckhardt quitte l'Angleterre en 1810.  En posant le pied en Syrie au terme d'un voyage en bateau qui lui fera découvrir Malte, il n'est plus Johann Ludwig ni John Lewis, il est devenu Cheikh Ibrahim.
Il s'est laissé pousser la barbe, s'est coiffé d'un turban, a endossé l'habit d'orient et sa religion. Durant deux ans, il visite, Alep, Damas, Palmyre, Tyr, Byblos, Beyrouth… Peaufinant son personnage, mais n'oubliant jamais sa véritable identité d'infidèle enfouis au plus profond de son être.
Dorénavant, aux yeux de tous, il EST le Cheikh Ibrahim et le restera durant toute sa vie.
Il signe toutefois sa correspondance avec Joseph Banks : Johann Ludwig ou même parfois Jean-Louis en souvenir de sa Suisse natale. Le président fait publier dans les grands quotidiens, ses aventures et ses rapports d'exploration sur le Moyen-Orient sous le nom de John Lewis, bien sûr.
Peu importe ! Burckhardt est tout à sa mission.

Au bout de deux ans d'études et de voyages, il s'estime prêt à mener sa quête, son Graal, les sources du Niger.
Il envoie une dernière missive au président de la Royal Society, celle là même que Joseph Banks lit à l'heure du thé dans son bureau lambrissé de bois cirés, à Londres.


A
u coin du feu, sous la nuit étoilée


Le jeune homme, quitte Alep, et se met en route pour le Caire.
Non loin de la citadelle croisée de Shawbak, dans la fraîcheur d'une nuit du mois d'août de cette année 1812, des nomades lui offrent l'hospitalité de leurs tentes.
Sous les étoiles, assis en cercle autour du feu, les conversations vont bon train et se poursuivent tard dans la nuit à grand renfort de thé et de dattes. Les langues se délient. Pour impressionner leur hôte, les nomades parlent des ruines d'une cité antique.
-       Cheikh, par-delà le Wadi Moussa, s'élève vers les cieux, un djebel, une montagne de roches et de pierres où est enterré le prophète Aaron.
-       Le frère de Moïse ?
-       Na'am Cheikh mais écoute plutôt ! La légende raconte que le sanctuaire est à l'orée d'une cité de pierre. Une cité construite par la volonté des Pharaons. En vérité Cheikh, je te le dis, le trésor de la haute et de la basse Egypte est ici, caché dans les canyons et les siqs.
-       Mais depuis le temps personne n'a encore rien trouvé ?

Cheikh Ibrahim est dubitatif, piqué au vif par la curiosité. Au loin un chien d'un autre campement jappe. Ses congénères lui répondent, un écho dans la nuit qui salut enfin la lune qui se lève. D'un coup la lumière des étoiles est moins intense, et les ombres apparaissent.
Pour cacher son intérêt le Cheikh se lève. Il va chercher un peu de bois sec derrière la tente noire tissée de poils de chameaux et de chèvres.
Par Allah, et si c'était vrai.
Si le trésor des pharaons était caché dans ces montagnes ?
Plus encore que l'or et les pierres précieuses des pharaons, c'est l'évocation d'une ville oubliée qui l'intrigue et aiguillonne sa curiosité.
Qu'elle est cette cité antique perdue et inconnue dans le désert ?

- Ami, ce que tu me contes là est très étrange. J'aimerais voir de mes propres   yeux ce que tu fais chanter et danser dans mon esprit.
- Wallah Cheikh ! Nos cousins bédouins de Wadi Moussa sont toujours à la recherche de cet or. Ils ne veulent personnes sur leur terre, ils gardent jalousement le secret. Des tonnes et des tonnes d'or, de pierres précieuses, de bijoux en argents…
-       Les trésors ne m'intéressent pas. La cité venue du passé m'interpelle. C'est le passé qui m'intéresse mon ami. En connaissant le passé on peut comprendre le présent et construire l'avenir.
-       Cheikh, tu es un sage parmi les sages.
U
n guide pour une découverte


Le village s'appelle El-Dji, il s'étend dans la vallée de Moïse. Burckhardt connaît la légende. Le prophète aurait fait jaillir douze sources en frappant le sol avec son bâton. Il loue les services d'un guide qui accepte de le conduire dans le dédale rocheux moyennant quelques thalers, des sandales et une djellaba neuve. Malgré ces deux dernières années passées au contact des nomades, des marchands et des érudits arabes, Burckhardt n'est pas sûr que son déguisement puisse résister à la suspicion et à la perspicacité de son guide bédouin.
Il sait que s'aventurer dans ces montagnes, où se cache une cité oubliée et un trésor, est risqué.
Il est trop tard pour renoncer.
Le trio – les deux hommes et la chèvre suivent le cours du Wadi Moussa.
Le sentier est caillouteux. Il fait déjà chaud pourtant le soleil se lève seulement au-dessus des falaises de grès. Une brise légère les accompagne.
Le stratagème fonctionne… Jusqu'à là tout va bien.
Ils passent devant des blocs de rochers taillés dans la masse.
-       Cheikh ! Ne t'attarde pas, ces blocs sont l'œuvre des djinns qui hantent les montagnes.
Il ne s'attarde pas. Il est intrigué par un édifice qui se dresse de l'autre coté de l'oued.
Une façade sculptée et surmontée d'obélisques l'intrigue. Les rayons du soleil levant caresse les bas-reliefs. Une porte taillée dans le roc laisse présager des pièces à l'intérieur. Mais impossible d'entrer, le guide presse le pas.
Que renferment ces façades ? Le fameux trésor des Pharaons ?
L'explorateur remarque sur la droite du chemin, en haut d'une petite falaise un texte sculpté. Sur le cartouche, il distingue deux langues le grec et l'araméen. Il manque de temps pour pouvoir déchiffrer les signes, il ne veut surtout pas éveiller la suspicion de son guide.
Ils ne s'arrêtent pas et continuent le long de la rivière.
L
e choc frontale


Une faille s'enfonce dans la montagne comme un long tunnel sombre. Une arche maçonnée marque l'entrée du canyon, comme pour signaler l'entrée dans un lieu saint ou dans un autre monde.
Il ralentit et prend une inspiration, l'arche est monumentale, il sait qu'il va découvrir ce qu'aucun Européen n'a pu voir depuis des temps immémoriaux. Il sait qu'il ne devrait pas être là.
Il tremble.
Mais les sirènes chantent, l'appel de la découverte est le plus fort. Il avance regardant et remarquant à la dérobé des niches sculpté tout au long de l'étroit canyon - le siq. Il note dans un coin de sa mémoire une multitude d'indices d'une présence humaine. Il ne peut évidemment pas sortir son carnet et sa mine de plomb afin de  prendre des notes ou de faire des croquis.
Les falaises rouges font échos à sa peur.
Ils avancent, le siq est de plus en plus étroit.
Soudain, une immense façade taillée dans la falaise de grès rouge et inondé par le soleil surgit au sortir du canyon. Elle est ornée de mille bas-relief, de fleurs, de coupes, de représentations humaines, d'animaux…
Johann Ludwig distingue deux étages dans le bâtiment. Il reconnaît l'influence hellénistique des chapiteaux corinthiens et du fronton brisé.

-       " Sa situation et sa beauté ont été calculées pour produire une extraordinaire impression sur le voyageur, qui aura emprunté pendant près d'une demi-heure le passage si sombre, et presque souterrain, que j'ai décrit."

Ecrira-t-il plus tard dans son journal.
Et d'ajouter quelques lignes plus loin.

-       "C'est l'un des plus élégants vestiges de l'Antiquité existant en Syrie. Son état de préservation ressemble à celui d'un édifice que l'on viendrait d'achever, et en l'examinant de plus près, j'ai constaté que sa construction a dû exiger un labeur considérable."

Son accompagnateur veut bien lui concéder le nom que les bédouins de sa tribu donnent à ce monument : Le Khazneh ! Mais il lui en interdit formellement l'entrée.
Le calendrier grégorien indique la date du 22 août 1812, il est à peine 8 heures du matin et Johann Ludwig Burckhardt vient de re-découvrir Pétra oubliée des hommes pendant des siècles et des siècles.

L
e voile est levé


Fort de ses connaissances, Johann Ludwig a l'intuition qu'il vient de découvrir une cité mythique.
Est-ce la ville où les rois mages ont fait étapes en apportant la myrrhe, l'encens, l'or à la naissance de Jésus?
Il lui faudra mettre tout cela sur papier plus tard car pour l'instant, ses faits et gestes sont surveillés par le bédouin de plus en plus nerveux.
Il le presse.
- Hâte toi Cheikh, la route est longue jusqu'au djebel Aaron.

Ils continuent leur cheminement.
Ils longent une allée de façades. Elles sont toutes différentes les unes des autres. Ils débouchent face à un théâtre taillé lui aussi dans la roche.
Les couleurs moirées sont éclatantes.
Johann Ludwig tremble.
Maintenant il tremble d'excitation car il sait que ce qu'il découvre est unique. Et devine très justement l'origine de cette cité.
Il écrira plus dans une de ses correspondances :
-       "En comparant les témoignages des divers auteurs, il semble très probable que les ruines de Wadi Moussa sont celles de l'ancienne Petra."
 De nombreuses questions se bousculent  :
Quel peuple fut capable de construire une cité de pierre au milieu du désert ?
Comment une ville peut rester cacher du reste du monde aussi longtemps ?
Pour l'heure il se concentre et imprime dans son cerveau ce qu'il voit et observe.
Sur la droite, la base de la montagne est entièrement taillée. Des monuments tous plus grands les uns que les autres, tous plus richement décorés les uns des autres…
Le guide l'entraîne sur la gauche, le long du ruisseau.
N'y tenant plus, Johann Ludwig ose entrer dans le seul bâtiment maçonné du site – le Qsar el Bint.
Il réveille l'animosité de son guide. L'homme devient de plus en plus suspicieux envers le Cheikh Ibrahim. Il le menace même :
-       Cheikh ou qui que tu sois, si tu es venu ici pour voler ma tribu, tu ne repartiras pas d'ici vivant.

Cheikh Ibrahim se confond en excuse.
Jure sur Allah et les Archanges qu'il ne veut ni voler, ni piller qui ou quoi que ce soit ! Mais qu'il est certes intrigué par les ruines de cette cité.
Une nouvelle fois le bédouin se calme.
Ils repartent aussitôt vers le djebel Aaron.
Au pied de la montagne, le guide ne veut pas aller plus loin. Ils sacrifient la chèvre.
Ils mangent les meilleurs morceaux, boivent un thé et repartent par le même chemin avant que la nuit ne tombe.

Johann Ludwig ne reste pas dans le village de Wadi Moussa. Il ne se sent pas en sécurité. Il veut surtout consigner dans son journal toutes les réflexions suscitées par sa découverte.
Il poursuit donc son chemin vers l'Afrique. 

L
'aventure continue


D'autres aventures attendent la courte vie du jeune Cheikh Ibrahim.
Poursuivant inlassablement les chemins de traverses qui doivent le conduire aux sources du Niger. Johann Ludwig voyage sous la protection des caravanes de chameaux qui sillonnent la péninsule Arabique et le nord-Est de l'Afrique.
Il s'égare un temps dans le sud de l'Egypte.

Il deviendra le premier européen à re-découvrir les temples d'Abou Simbel. Mais c'est une autre histoire.
Il se perd un peu plus dans les méandres du désert, traverse mer Rouge en boutre et débarque à La Mecque. Il réalise ainsi le pèlerinage musulman bien avant Richard Francis Burton !
Cela aussi est une autre histoire.
Il revient vers l'Afrique, parcourt le désert, dors dans le froid intense, marche sous le soleil de plomb.
Il mange ce qu'on lui donne, boit l'eau des puits et des jarres.
Il tombe malade.
E
t s'achève…


Affaibli par les piqûres de moustiques, épuisé par la dysenterie, le Cheikh Ibrahim meurt au Caire le 15 octobre 1817.
Johann Ludwig Burckhardt n'aura jamais cartographié les sources du fleuve Niger. Il n'aura pas eu le temps de tirer les lauriers de sa formidable découverte des temples d'Abou Simbel.
Mais l'histoire n'oubliera pas sa rocambolesque entrée sur la scène de l'archéologique moderne.
Aujourd'hui son ombre court sur les façades des tombeaux, son nom reste à jamais gravé dans le grès rouge de Petra.

Aujourd'hui le visiteur peut ressentir la même excitation que Johann Ludwig Burckhardt ressentait en arpentant le siq et en sillonnant les canyons des montagnes de Wadi Moussa, il y a tout juste 200 ans.













vendredi 11 décembre 2015

Le Kamchatka ? Qu’est-ce que c’est que ça ?

Sergueï ! File au Kamchatka !
La voix sèche et revêche de l’institutrice claque comme un nagaïka – Sous ce coup de fouet de cosaque, Sergueï rentre la tête dans les épaules et se dirige penaud au fond de la classe. Tout au fond de la classe… La place des cancres.
Est-ce une faute d’habiter un corps trop grand ?
Gauche, il l’est assurément. Ses pieds trop grands  buttent sur l’estrade, les cartables… écrabouillent les arpions sur leur passage. Ses paluches, pleines de doigts ont du mal à tenir un petit crayon pour calligraphier les lettres cyrilliques. Les élèves se moquent de lui quand le stylo casse une fois de plus entre ses doigts.
Trop grand, trop fort…
Mais cancre non ! D’ailleurs Sergueï est le seul de la classe à savoir ou se trouve le Kamchatka… en vrai.

Le Kamchatka ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
Le Kamtchatka est un bout du monde au Far-East sibérien. Situé à l’extrême Est de la Russie, la péninsule s’étend entre la mer d’Okhotsk et la mer de Bering/océan
Effectivement c’est loin : 11.876km de Moscou ! Bien plus loin que le fond de la classe !
Situé sur la ceinture du feu du Pacifique, les 300 volcans de la péninsule - dont une trentaine en activité - sont classés au Patrimoine Mondiale de l’UNESCO depuis 1996.
Territoire gelé pendant la guerre froide, il n’est ouvert aux voyageurs que depuis la chute de l’empire soviétique.
Durant cette période la nature y est restée souveraine.
Nature composée de taïga, de toundra, de lacs, de rivières et de cônes volcaniques.
Peu ou pas de route pour aller observer les volcans. Il faut camper « Into the Wild » en partageant les WC sur le palier avec les ours, les loups, les renards.
Le Kamchatka ! Sergueï reclus au fond de la classe en rêve. Un jour il y ira.

Kamchatka : Eau et Gaz à tous les étages
15 ans plus tard, et 9 fuseaux horaires plus loin, Sergueï sourit : le Kamchatka est a lui.
Il est aujourd’hui chauffeur de 6X6 et conduit les touristes du monde entier à la rencontre des trois mondes : minéral – végétal – animal.
Son cœur bât au rythme des éruptions volcaniques et des sourires béats des trekkeurs. Il aime quand ils racontent leur journée sous la tente mess le soir.
Les fumerolles, les lacs d’acide, les mares de boue bouillonnante, les geysers et la vodka réchauffent les cœurs et les chaussettes mouillées.












Face à cette nature démesurée, Sergueï n’est plus « trop » grand.

Plus personne ne le raille, au contraire on loue sa gentillesse. On aime ses coups de main quand il faut démonter les tentes, on salut sa force quand il faut déplacer un tronc d’arbre en travers de la piste.
On est subjugué par son savoir en matière de volcanisme, on l’écoute attentivement quand il raconte les ours, on note le nom des plantes qu’il connaît en latin.
Sergueï n’est plus un cancre, il ne l’a jamais été. Il était juste trop grand pour la ville.


 Le Kamchatka est à retrouver ici : Clic